Mes voyages m'ont emmené aux quatre coins du monde, dans ma quête de recenser ses
divers habitants, civilisations et animaux. Mais jamais je n'avais senti une telle
détresse qu'en me tenant sur les remparts de l'ancienne forteresse de Fort-Bastions.
J'étais venu voir de mes yeux les barbares, ces légendaires furies guerrières, massives
et inébranlables, défendant grâce à leurs lames jumelles leurs terres sacrées du mont Arreat.
Au lieu de cela, je me suis retrouvé devant les restes d'une montagne déchirée par une force
inimaginable. Je dois bien l'admettre, ce tableau dépasse mes capacités d'assimilation.
Et pourtant, il est là, devant moi.
Que s'est-il réellement passé ici ? Où sont donc les majestueux guerriers d'antan ?
Bien qu'ils n'aient été considérés jadis que comme de simples envahisseurs assoiffés
de sang, l'histoire noble et ancienne de ce peuple fier est maintenant reconnue comme
il se doit. Et c'est là que réside la plus grande tragédie : ceux d'entre nous qui se
rappellent la noblesse des barbares se souviendront également de ce qu'ils appelaient
leur « veille ». Ce concept était au cœur même de leur culture. Ils considéraient comme
leur devoir sacré de protéger le mont Arreat et le mystérieux objet qu'il abritait. Les
barbares croyaient que s'ils n'accomplissaient pas leur devoir, ou s'ils n'étaient pas
enterrés selon la règle sur les pentes du grand mont, ils seraient privés de la mort d'un
vrai guerrier et leur esprit errerait sur la terre, dépouillé de tout honneur, pour l'éternité.
S'il reste des barbares en vie, ils doivent être dans le désespoir le plus complet.
C'est peut-être ce qui est à l'origine des rumeurs qui parlent de créatures monstrueuses,
semblables aux barbares par leur taille et leur férocité, mais qui ne sont en réalité que
de vulgaires bêtes inhumaines dénuées de raison. La destruction de leur foyer, mais aussi
du socle de leurs croyances même, pourrait-elle avoir précipité cette merveilleuse race
aussi bas ?